Ce n'est pas moi qui le dit, mais plutôt le
proverbe suisse (mais bien quand même) :
"Avoir un blog induit quelques obligations. Régulièrement, il faut soit poster une photo de son chat, soit critiquer les journalistes, soit raconter ses vacances."
Avouez que c'est quand même bien senti. On dirait que c'est de moi.
...
N'ayant pas de photo de journaliste à poster ou de chat à critiquer, qu'est ce que vous voulez que je vous dise ? Oui, voila, les vacances. Non mais je vais faire ça vite fait, vous allez voir, ça sera quasiment sans douleur.
Bon alors moi cette année, je suis parti en vacances chez les riches, tu vois, dans une villa. Première leçon : quand vous prononcez le mot "villa", insistez bien sur les "l". Il faut que votre interlocuteur ait l'impression que ce mot s'écrit avec au moins une trentaine de "l", sinon il saura tout de suite que vous n'êtes pas un vrai riche.
Et vous voulez passer pour un riche, n'est-il pas ?
Alors attention, là je vous parle de vacances de vieux riches. Pas de vacances de riches de pacotille qui prennent du plaisir à cotoyer la jet-set. Non, le vrai, le vieux riche, bien installé, bien rembourré, aigri et tout, et dont la seule préoccupation est de faire du lard. Et aussi de savoir le temps qu'il fait.
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Ouais.
Parce que le riche en vacances dans sa villa (tttt : "villlllla", voila !), il faut l'avouer, il n'a vraiment pas grand chose à faire. Bon, allez, d'accord, il n'a rien à faire. A part un truc, un genre de fil rouge (oui comme dans Intervilles, si ça vous parle mieux) qui rythme la journée, de la veille au coucher : être bien. Le vieux riche en vacances, lui, son trip, c'est de s'installer dans son transat, à un endroit où on peut "voir la vue", et puis dire "Haaaa... On est quand même pas mal, hein ?". Question à laquelle il n'existe qu'une réponse : "oui", suivie éventuellement d'une critique élaborée du temps qu'il fait.
Le riche est en effet très friand de météorologie, et il n'est pas rare qu'il vous interpelle avec des phrases comme :
"Ce matin c'était couvert mais là j'ai l'impression que ça se dégage..."
"Qu'est ce qu'on est bien à l'ombre, avec la petite brise, là. Par contre ça doit cogner au soleil..."
ou enfin "C'est noir là bas, je me demande si on ne va pas avoir un orage..."
Ce à quoi il faut généralement répondre "oui", ou, si on a envie d'approfondir la discussion, "c'est bien possible".
Hors période de repas, inutile d'essayer de parler d'autre chose que de météo au riche, il ne vous répondra pas, trop occupé qu'il est à regarder la vue. C'est ce qu'il fait toute la journée. Car le riche est fatigué, alors quand il est en vacances, il est là pour se détendre. Et le riche, ce qui le détend, c'est de regarder la vue en parlant météo, qu'est ce que tu veux que je te dise...
Lorsqu'il a envie de produire un effort physique, le riche s'extirpe avec force soupir et meuglements (Foutre ! On dirait du
Nothomb !) de son transat et part en trainant les tongues en direction de la piscine. Là, il trempe une demi main dans l'eau, jette un oeil au thermomètre et vous gratifie d'un "26 ! Ce matin elle était à 24...".
Ici il y a un piège, et l'on se doit d'être attentif. En effet, la remarque du riche ressemble à s'y méprendre à une réflexion météorologique. Ce à quoi on serait tenté de répondre logiquement "c'est bien possible". Ne commettez pas cette erreur, sous peine de vexer le riche en mettant ses propos en doute. Non. Ici la bonne réponse est "Ah oui, c'est bien !".
En effet, le riche n'a pas envie de connaitre l'âge du capitaine caverne. Le riche s'en fout de ta vie. Le riche est en vacances, le riche est fatigué, tu comprends ? Tout ce qu'il veut c'est voir la vue, et aussi être rassuré sur la température de sa piscine. Merde ! C'est quand même pas compliqué !
Bref, soyez vigilants sur ce point, pour l'amour du ciel, et donc du riche.
(L'aaaaaa-mour du riche... [Complétez])
Mais passons à table voulez-vous ma chère Sylvie ? (Hein ? Mais... Sylvie qu'est ce que vous foutez dans ce post ? Non non... Je suis désolé, faut pas rester là, j'ai du travail moi.).
...
Mais passons à table, voulez-vous ?
Autre préoccupation majeure du riche en vacances : passer à table. Alors attention, je dis bien passer à table, et non pas manger. Saisissez la nuance, je vous en supplie.
Le riche adore passer à table, simplement pour avoir le plaisir de dire "Et si nous passions à table ?". Point. C'est juste pour le plaisir d'employer un conditionnel deux fois par jour, assorti d'une liaison on ne peut plus zélégante. C'est une hygiène de vie.
Après, ne vous attendez pas à faire un festin. Le riche est en vacances, le riche est fatigué et il veut voir la vue, alors il ne va pas s'encombrer d'un repas à rallonge. Non. Une salade, accompagnée d'une petite vinaigrette hypocalorique, idéalement à base d'huile de noix, et le tour est joué.
Ce qui n'empêche pas le riche d'avoir fait préparer une table relativement compliquée, avec environ sept verres par personne, et une soixantaine de couverts. Oh, et il y a aussi les petits sets de table, genre tressés à la main. Parce que le riche mange dehors, sur la terrasse, tu vois, et les petits sets de table artisanaux ça fait telllllement mignon, limite camping, tu vois. Ca rappelle au riche qu'il a été, un jour, un homme avant de devenir un pauvre con obèse et suffisant, dénué de tout sens des réalités (Hein ? Qu'est ce que vous entendez exactement par "déraper" ? Non, je ne vois pas.)
On ingurgitera donc rapidement une demi assiette de bidules bio sans saveur, accompagnés d'une unique tranche de pain aux cent douze céréales trônant fièrement sur sa planchette individuelle, avant de prendre le café, sa soucoupe et son chocolat (le petit pêché mignon du riche, avouera-t-il, les joues rosées par une honte à peine feinte), mais pas le soir pour bien dormir. Parce qu'il faut se coucher tôt, pour pouvoir se lever tôt et voir la vue le matin, savoir quelle est la température de l'eau à 9h15, passer à table, faire la sieste devant la vue parce qu'on s'est levé trop tôt pour la voir, la vue, et essayer de deviner à quelle température montera la piscine dans l'après-midi, ou alors juste avant de passer à table, le soir avant de se coucher tôt pour pouvoir se lever tôt. Car le riche en vacances, même s'il n'a rien à faire, aime bien se compliquer la vie juste pour le plaisir d'avoir une vie compliquée. Il est comme ça le riche. Il ne comprend pas ces "gens simples" qui ne foutent rien de leur journée, qui n'ont aucune ambition.
Non, tu vois, le riche, lui, il ne peut pas rester inactif. Tu comprends ? Le riche a toujours besoin d'avoir une activité, le riche est toujours à cent pour cent, au contraire des pauvres. Le riche ne connait pas le signification du mot oisiveté, et même lorsqu'il se détend en regardant la vue, il le fait à cent pour cent, mieux que n'importe quel pauvre ne pourrait le faire. C'est d'ailleurs pour ça qu'il est ce qu'il est aujourd'hui : un pauvre con obèse et suffisa... Ah non.
Bon, sinon, mes vacances c'était bien. J'en connais un rayon sur la météo, je connais les bornes entre lesquelles a oscillé la température de la piscine durant 8 jours, et j'ai vraiment bien étudié la vue...
Et sinon, donc, quand je dominerai le monde, j'organiserai une guerre civile avec d'un côté tous les mange-merde de riches, et de l'autre tous les abrutis qui labourrent les rayons de Carrefour avec leurs têtes de cons, qui vous bousculent sans dire pardon avant de prendre un Télé Magazine pour savoir s'il y aura des petites salopes à la staracacademy cette année. Kevin, viens ici ou je t'en colle une, bordel.
...
Non, vraiment, je crois que ça m'a fait du bien ces petites vacances. Je me sens requinqué, remonté, tout ça. Peut-être un peu plus serein... Ah non, non plus.
Mon champ de vision s'est élargi, je me suis rendu compte que finalement il y a beaucoup plus de boulot que je ne le pensais.
Pour essayer de me rassurer, j'ai donc commandé immédiatement
Le Principe de Lucifer, sur les conseils d'un quidam, sur un forum de jeu vidéo... Non, en fait je ne pense pas que je l'aurais pris sans cette phrase dans la présentation de l'ouvrage :
"Personne ne peut sortir intellectuellement indemne après cette lecture dramatique."
Raaah les fumiers ! Comment ils ont su que le simple fait d'écrire "Lecture dramatique" me ferait acheter le bouzin ?! Hein ?
Raaaah !!! Je suis sur que ce sont les petits bonhommes qui tappent dans ma tête qui leur ont vendu la mèche !!! Raaaahh !! Les chiens !!
Oui, heuu, sinon moi, ça va. Je suis content d'être rentré, même si ça pique un peu.
Je vous souhaite le bonjour.